Le Brésil,
un territoire d'héritage colonial, une terre de conquête.

1 Aspects historiques de la colonisation ou la mouvance d'un front pionnier.

Près de cinq siècles d'histoire se sont écoulés entre la découverte du nouveau territoire brésilien et sa structuration actuelle.
C'est à la fin du 15ème siècle que Pedro Alvares Cabral découvrait une escale sur la route des Indes qu'il nomma Santa Cruz (au sud de Bahia). Dans un premier temps, les Portugais se sont installés essentiellement sur les portions de côtes est, autour de Recife et de Bahia, et sud-est, autour de São Paulo.
À cette époque, le traité de Tordesillas (1494) délimitait déjà un très vaste continent, des côtes atlantiques jusqu'aux bouches de l'Amazone, soit vers le 50e méridien Ouest.

Le Bandeirantisme ou la conquête de l'Ouest.
Aux 17ème et 18ème siècle, des expéditions de Bandeiras pénétrèrent plus à l'intérieur du pays, chassant les Indiens dans un premier temps, et à la recherche des richesses du sous-sol (chercheurs d'or et de diamants) dans un deuxième temps. Cette marche vers l'intérieur du pays repoussa la limite du territoire décidée par le traité de Tordesillas jusqu'au 75e méridien Ouest et fit du Brésil le pays le plus vaste d'Amérique du Sud.
Dès lors, de vastes mouvements de population commencèrent à s'effectuer des côtes nord-est et sud-est vers le Centre-Ouest. Ces premiers mouvements pionniers partaient principalement de Bahia vers Goias, puis plus au sud, vers le Minas Gerais et par la suite, vers le Mato Grosso.

Le temps du café, un cycle économique déterminant les nouveaux flux migratoires.
Dès le 20ème siècle, la mise en valeur des plateaux intérieurs du Paraná permit au Brésil d'orienter sa production agricole vers le café et son exportation. C'est toute l'économie du Brésil, et ce jusqu'aux années 1950, qui va se caler sur cette production.
Ainsi, les vagues d'immigration européennes reprennent vers le sud-est du pays et assurent l'avancée économique du Brésil au niveau de son marché intérieur et sur le marché agricole mondial.
Après l'élection de Getulio Vargas , président de 1930 à la fin de la seconde guerre mondiale dans un premier temps, et le renversement de la vieille république oligarchique, l'État se renforce sous un régime désormais dictatorial.
Il se dote de moyens de plus en plus efficaces pour imprimer sa marque au territoire, et tente une logique d'aménagement du territoire, qui avait d'ores et déjà commencée dans l'action hydraulique entreprise dans le Sertão semi-aride du Nordeste après la seca de 1877-1879.

Apparition des inégalités régionales ; mise en avant des premières grandes vagues de colonisation.
Le problème de la colonisation véhicule des écarts régionaux qui persistent dans le domaine des inégalités géographiques, économiques et sociales.
On peut observer que la colonisation et ses différentes phases ont structuré, globalement, un Brésil en trois principales grandes régions économiques et sociales. Leurs caractéristiques sont fondées sur l'évolution des cycles économiques, sur les productions de ces régions selon les époques, et donc sur la mise en valeur et l'aménagement du territoire conquis.
La colonisation et la mise en valeur du territoire s'est donc faite plus dans une logique agricole, et ce, jusque dans les années 1950. Les foyers de peuplements se sont localisés dans les régions exploitées et productives.
Ainsi, un premier front de colonisation peut s'observer au niveau des zones pionnières de la fin du 19ème, localisées dans la zone semi-aride du Nordeste et dans les espaces conquis par les Bandeirantes du Centre-Ouest. La politique économique du café a fait migrer beaucoup de Brésiliens et d'étrangers, dans la région du Parana, du début du siècle à 1950.
Déjà, les régions d'héritage colonial comme le Nordeste, accusent certaines inégalités, surtout au niveau des revenus.
Sous la présidence de Juscelino Kubitschek (1956-1961), la mise en place d'une politique économique générale pour l'industrialisation du pays, aura pour conséquence, le renforcement de la région pauliste. Mais, par ce premier plan de développement, le Plano de Metas , il contribue au déséquilibre du territoire national.
L'écart est désormais net entre le Nord-est du pays et le sud-est. Déjà s'individualisent un Brésil anciennement colonial, tributaire de son passé, où inégalités et misère se font grandissantes ; et un Brésil plus occidental dans son développement, tourné vers le marché agricole et industriel mondial, plus riche, mais pas moins disparate socialement.
Effectivement, le Nord et le Nordeste, zones semi-aride du pays, deviennent alors répulsives. Dès 1940, on assiste à une première grande vague de migrations, la première depuis le début de la marche vers l'ouest ouverte par les Bandeirantes. Les population des anciennes zones pionnières (Nordeste et ouest du Parana également) migrent vers les grandes agglomérations urbaines du Sudeste comme São Paulo et Rio de Janeiro. Les ruraux du Nordeste viennent ainsi gonfler les quartiers pauvres, ou favellas, des importants noyaux urbains.

Une soif de terre et de travail devient la motivation première à une extrême mobilité de la population brésilienne.
D'une façon générale, la forme traditionnelle que prend le front d'expansion s'accompagne " d'une part de la concentration croissante de la propriété de la terre, d'autre part de la diminution du nombre des petits propriétaires, des métayers ou des fermiers, et, enfin, de la diminution du nombre des ouvriers agricoles permanents et de l'accroissement significatif de celui des ouvriers temporaires, les boias-frias. " (PH.WANIEZ, 1992.)

Dès 1960, le mouvement des populations s'oriente vers le Centre-Ouest et le Nord du pays. Le flux de population reprend ainsi son aspect pionnier dans la conquête de nouvelles terres vierges, après la fuite des espaces où la misère se fait croissante. Cet espace pionnier représente un véritable espoir de survie pour les petits exploitants, dépassés par l'économie de marché du capitalisme sudestin, ou pour les paysans sans terre du Nordeste et du Sud. Pour un État désormais capitaliste et pour les détenteurs de la propriété foncière, c'est un bon moyen de poursuivre l'enrichissement par l'acquisition de nouvelles terres et de développer la grande culture d'exportation.

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