Le Brésil,
un territoire d'héritage colonial, une terre de conquête.

5. L'écologie et la colonisation ; les problèmes dûs à la déforestation et aux défrichements.

Conquête pionnière, défrichement et mise en valeur de nouvelles terres vierges pose le problème de cette confrontation entre l'homme, désireux de s'approprier et d'exploiter un territoire, et le milieu naturel, sa faune et sa flore, en équilibre écologique. L'anthropisation d'un milieu naturel, sans forcément prendre un caractère irréversible au niveau de l'équilibre écologique, reste un total bouleversement des conditions initiales sans un possible retour à l'équilibre de départ. Si équilibre il s'instaure, la faune et la flore ne seront plus originelles.

Déforestation et défrichement.
En considérant l'impact des frontières sur le milieu naturel, " l'écologie pose plus de question qu'elle n'en résout pour l'instant. " (PH.WANIEZ, 1992). La faune et la flore apparaissent effectivement fortement menacée.
La question des feux de forêt liés au défrichements reste au premier plan des interrogations environnementales. La destruction de la forêt amazonienne est à l'ordre du jour pour les gouvernements et la presse. Mais le Brésil, en le considérant dans son immensité, accuse une certaine incapacité à réguler, contrôler et limiter ces feux, sans cesse allumés par foyers éparses, qui ronge petit à petit le plus grand réservoir d'oxygène de la planète. La déforestation est difficilement contrôlable pour des raisons culturelles, institutionnelles et pratiques.
Parmi les facteurs de la déforestation, on est amené à distinguer les causes immédiates de celle-ci, comme l'approvisionnement en bois de feu, l'agriculture itinérante ou la construction d'infrastructures, des forces agissant sur l'environnement forestier, comme la croissance de la population, les politiques gouvernementales de colonisation, les technologies de développement, les pressions économiques…en général, des facteurs modifiant l'organisation de l'espace du fait de son intégration à l'économie moderne.
En Amazonie et dans le Centre-Ouest, la fumée qui s'échappe des zones pionnières les plus avancées révèle une modification anthropique, à travers la main mise de l'homme sur le milieu, de l'environnement naturel. Le feu est utilisé comme moyen de défrichement pour étendre les activités agricoles ; également comme "régénérateur" des pâturages.

Le massif forestier de l'Amazonie ,qui s'étend sur environ six millions de kilomètres carrés (11 fois la France), n'a pas subi de grosses modifications avant les années 1960. C'est surtout à partir de 1970, suite aux programmes de colonisation que la situation va devenir rapidement alarmante. La construction de routes traversant la zone amazonienne, l'exploitation de bois, l'installation de fazendas d'élevage en Amazonie et la suprématie de la culture de soja au Mato Grosso, ainsi que les mouvements migratoires de masse vers les fronts pionniers, vont commencer à modifier nettement le milieu naturel.
L'exploitation de bois en Amazonie exerce une pression croissante sur l'environnement et se traduit actuellement, plus par la raréfaction de certaines espèces, que leur totale disparition. L'installation de grands complexes agro-industriels et de grandes fazendas d'élevage ont des conséquences biologiques plus incontournables.
Plus que les activités de collecte et d'exploitation de bois, les activités d'agriculture et d'élevage ont un impact négatif sur l'environnement par le premier fait qu'elles nécessitent l'utilisation des méthodes de défrichage. Il faut différencier la déforestation manuelle de la déforestation mécanisée : leurs conséquences sur l'évolution ultérieure des écosystèmes et sur leur aspect réversible ou non, sont inégales. La déforestation manuelle procède à un premier défrichement à la main avant l'usage du feu ; la destruction de la végétation n'est pas complète. Les complexes agro-industriels utilisent une déforestation mécanisée nettement plus agressive qui débarrasse le sol de ses racines et des troncs d'arbres. L'enlèvement du couvert végétal est total et la plus grande partie du potentiel végétatif de reconstitution est alors supprimé. Pour créer un champ, l'exploitant utilise en principe deux buldozers qu'il relie par une chaîne ; il parcourt de cette façon la totalité de la surface à déboiser abattant ainsi arbres et arbustes. Puis, il rassemble les souches et les brûle. Deux ou trois jours après, il retourne le sol, enlève les roches et généralement y plante une culture d'expérimentation (le riz le plus souvent) pour y cultiver, deux ou trois ans après, du soja, du coton, du blé en fonction des cours mondiaux.
Il faut alors préciser que l'exploitation par cultures et élevage représente l'utilisation du sol la plus courante. L'implantation de pâturages s'étend sur plus de 20 millions d'hectares en Amazonie. (H.THERY, 1997) et ce, depuis 1970. L'extension de cette mise en valeur a largement été influencée par les incitations fiscales et les subventions en faveur de l'élevage bovin.
Après une exploitation de la terre de quelques années, la jachère nécessaire à la régénération du sol est trop courte pour être efficace. Les sols se dégradent très vite, manquent de fertilité et sont abandonnés ; il faut donc aller déforester un peu plus loin pour continuer l'exploitation. FEARNSIDE estimait ,en 1990, 4.000.000 km2 de forêt amazonienne au Brésil. La déforestation totale était de 426.000 km2 jusqu'en 1991 selon les chiffres de l'INPE de 1992. Durant cette période, la surface déforestée annuellement serait supérieur à 30.000 km2. En 1993, SKOLE et TUCKER estiment à 590.000 km2 la fragmentation de la forêt causée par la déforestation soit un peu plus de 10.5% de la surface forestière totale (Fearnside, 1993). Une étude de VERISSIMO et d'AMARAL (1996) nous précise que 10.000 km2 de forêt amazonienne sont sélectivement émondées chaque années ayant comme principaux responsables, les feux .Actuellement, l'évolution de la destruction connaîtrait donc une légère diminution…
D'autre part, et à une autre échelle, les effets pervers des diverses formes de dégradation forestière sont en général bien connus, qu'il s'agisse de l'érosion, des modifications du bilan énergétique de surface (albédo, émission de CO2, changement, changement de la température de surface,…), de la réduction de la biodiversité, de la réduction des ressources animales et végétales, de l'épuisement rapide des sols déforestés, de la déstructuration des sociétés traditionnelles…Même si des techniques de reforestation sont préconisées, leur application est difficile à mettre en place.

Le Mato Grosso.
Prendre en compte les estimations faites au niveau des défrichements au Mato Grosso nécessite une relative prudence.
Par l'utilisation des images satellites de différents capteurs - NOAA, RESURS, LANDSAT TM et SPOT -, des études sont suivis sur l'évolution des défrichements et de la mise en valeur des sols. Toutefois, il faut être conscient de la relative fiabilité dans les interprétations de ces images du fait des possibilités de confusion dans la détection de feux. De plus, la végétation caractéristique du Mato Grosso est relativement complexe, transitoire entre la forêt et les cerrados, selon des "ondulations" d'ouest en est. Il y a risque de confusion entre ces deux types de végétations.
De plus, selon la résolution spatiale des satellites, l'interprétation des images est plus ou moins exacte ; il peut donc y avoir sous ou sur estimation des feux et confusion avec la réponse spectrale des cultures.
Selon Fearnside, à partir de données satellitaires Landsat TM sur l'État du Mato Grosso, 94.500 km2 ont été détruit depuis le début de la colonisation jusqu'en 1988 ; l'INPE annonce 67.000 km2. L'Institut Brésilien de Développement Forestier (IBDP) estime à 494.000 hectares la surface déboisée en 1986. L'INPE, pour les années 1988-89 et 1989-90, l'estime à 597.000 hectares et 402.000 hectares.

Actuellement, la situation a tendance à s'inverser ;on observe une baisse du déboisement au Mato Grosso et sur l'ensemble de l'Amazonie, et ce, dû notamment à l'actuelle crise agricole et aux pressions exercée par la Banque Mondiale. De plus, la mise au point de méthodes de gestion durable des milieux amazonien et matogrossense apparaît être un objectif à considérer ; il permettrait de maintenir la production des terres déjà défrichées tout en limitant la destruction du domaine de forêt et de savane.
Toutefois, dans le nord du Mato Grosso notamment, des espaces de cerrados et de forêt continuent à brûler démesurément, laissant une terre dépouillée de sa végétation naturelle, exploitée que très peu de temps car se pose le problème de la fertilité de ces sols, et laissée en friche…gâchis.
Après avoir mis en avant le processus de colonisation d'un point de vue global et l'étude de la notion de frontière agricole au niveau régional par l'analyse des espaces pionniers, que sont, aujourd'hui, l'Amazonie et le Centre-Ouest, notre intérêt s'est porté sur un cas plus local, le Mato Grosso.
Au travers de la prise de conscience des réalités d'un front pionnier et de sa mise en valeur, les considérations écologiques sont également très importantes. Dans notre deuxième point, nous verrons comment la télédetection, ou analyse de l'espace par image satellite, aborde ce problème de colonisation, principalement par l'attention portée aux feux de brousse et à la déforestation.
Tout d'abord, nous ferons un premier tour d'horizon sur l'avancée des recherches en télédétection concernant le Brésil en isolant les différents thèmes te les différentes méthodologies. Ensuite, nous reviendrons à nos espaces pionniers afin de montrer ce qu'apporte la télédétection à l'étude de la déforestation et des défrichements et comment elle l'aborde. Puis, nous descendrons à l'échelle du Mato Grosso par l'analyse d'une image NOAA-AVHRR.