3. LES ÉCOULEMENTS DANS LA CUVETTE AMAZONIENNE.

3.3  Des transferts dissous et particulaires importants.

Les apports de matière dissoutes et particulaires à l'Atlantique sont évalués à :
- 270 000 millions de tonnes de matières dissoutes.
- 1 200 millions de tonnes de matières particulaires.
Une grande partie de la charge solide vient des bassins andins alors que la masse dissoute provient de l'ensemble des versants du bassin où, en percolant au travers des sols et des manteaux d'altération, les eaux se chargent en ions. Par ailleurs, les conditions de décomposition de la matière organique, climatique et de lessivage pédologique favorisent un fort entraînement  de la matière organique sous forme dissoute  avec un fort degré de polymérisation dans les cours d'eau.
Ainsi, on distingue deux types de cours d'eau avec :
- les rios brancos caractérisés par une forte charge solide et dissoute,
- les rios negros ou rio de fome (rio de la faim), sans charge solide mais avec une forte charge organique dissoute et une faible charge en oxydes dissous divers.
Les premiers sont des rios à activité biologique très élevée (flore et faune abondante) tandis que les seconds sont très pauvres (d'où leur nom de rio de la faim).
Les flux solides sont relativement mal connus dans le détail des bassins versants. Ainsi, on constate une variabilité du taux de transport en suspension (Ts) de 20 à 18 000 t/km2/an et pour les taux de transport de solution (Td) de 5 à 30 t/km2/ an, en fonction  des conditions topographiques, géologiques, climatologiques. dans le cas du Rio Nebi amont (173 000 km2), les flux de matière particulaire exportés sont de 3 200 t/km2/an et les taux de transport de solution (Td) sont de 40 t/km2/an. En fait, une grande partie des matières en suspension (environ 60%) sont piégées dans les plaines d'inondations du piémont andin. Ainsi, dans la plaine d'inondation du Béni se déposent environ 75 millions de tonnes par an de sédiments, tandis que son voisin , le Rio Mamore, se déposent quelques 150 millions de tonnes par an. Globalement, on estime qu'à la confluence du Béni et du Mamore (formant le Madeira), 32% des flux liquides, 99% des flux particulaires et 48% des flux dissous en transit à la station de Villa Bella sont d'origine andine alors que le massif andin ne représente que 22% de la surface du Bassin versant. Si la phase particulaire est strictement lié au rythme hydrologique (90% sont exportées lors des hautes eaux), la phase dissoute est relativement constante (taux et décomposition).

En revanche, sur le Bouclier Brésilien, le taux de transport en suspension varie entre 15 et 20 t/km2/an. Sur les autres sous-bassins de l'Amazonie, des études identiques manquent, même si certaines sont en cours.

3.4  Une sectorisation morphodynamique amont-aval des cours d'eau.

3.4.1  Les secteurs andins et leurs piémont

La morphodynamique fluviale du secteur andin et son piémont est marquée par le caractère torrentiel des cours d'eau issus des Andes. Dans la zone montagneuse, les cours d'eau ont une charge solide constituée de matériaux grossiers (galets de toutes dimensions), de sables de limons et d'argiles. Les galets peuvent être déposés localement lors de la décrue, mais repris lors de la suivante. Ils constituent des bancs très mobiles et temporaires. Dans la zone du piémont  immédiat, dans les vallées et bassins localisés sur une étroite bande de quelques dizaines de kilomètres d'extension et constitués de reliefs plissés récemment et de bassins d'effondrement (plio-quaternaires), les cours d'eau ont une morphologie en tresse, traduisant leur forte charge solide et des dépôts importants en liaison avec une petite perte brutale de la valeur de pente, du profil longitudinal du cours d'eau. L'essentiel de la charge en galets est laissée dans cette zone, tandis que les sables, limons et argiles sont emportés vers l'aval.

3.4.2 Les bassins et vallées intermédiaires (cuvettes de Beni, vallée de l'Ucayali...)

La pente du cours d'eau diminue et les plaines alluviales s'élargissent, préfigurant la configuration des plaines alluviales centrale et aval du Bassin Amazonien. Ce secteur  se situe globalement en amont de l'Arc d'Iquitos. Ainsi les structures anciennes du bassin jouent encore un rôle dans le fonctionnement hydromorphologique  des cours d'eau.
Deux types d'organisation se présentent   :
- soit, comme dans le cas du Béni et du Mamore (amont du Madeira), un vaste marécage (près de 500 000 km2) occupe la plaine, marécage dans lequel le cours d'eau méandre,
- soit, comme dans le cas de l'Ucayali, une bande de quelques dizaines de kilomètres dans laquelle méandre le cours d'eau.
La partie marécageuse, ou Varzéa, est inondable lors des crues annuelles : elle reste quelques mois sous 1 à 3 mètres d'eau et constitue une zone de pâturages.
La bande active est une zone à forte mobilité où le cours a une très forte activité morphogénique. Ceci se traduit par des dépôts de rive convexes sous forme de bourrelets de rive successifs à caractère sableux. Les rives concaves, dont les berges sont largement constituées de sables et de quelques bancs de galets qui ont réussi à transiter jusque là, sont fragiles et reculent rapidement. Cette dynamique active provoque des recoupements de méandres fréquents, la présence de bouchons alluviaux détournant les eaux. Ces changements de lits permanents laissent de nombreux bras morts (oxbows), des cuvettes rapidement colonisées par la végétation.

3.4.3 Les grandes plaines alluviales de la partie centrale et aval de l'embouchure

Secteur où la pente s'adoucit encore (<2 cm/km), la bande active du cours d'eau a un tracé sinueux. Elle est bordée par la plaine inondable, ou Varzea, qui peut atteindre une centaine de kilomètres, notamment dans les zones de confluence (exemple Solimões-Japura). On peut distinguer deux zones : la zone en amont de Santarem (confluence avec le Tapajos) et la zone à l'aval.
La bande active est constituée par une multitude de chenaux et de levées submergées pratiquement en permanence et sur lesquelles se développent une végétation arborescente capable de se reproduire dans une tranche d'eau de trois mètres. Ces galeries forestières, ou Igapos, de levées submergées ont un rôle essentiel dans la dynamique sédimentaire du cours d'eau. Freinant le courant, elles provoquent une sédimentation sur les marges internes des levées et limitent l'apport en charge solides vers les Varzeas. Cette sédimentation provoque un entretien, voire un exhaussement progressif des levées, action qui vient compenser une relative fragilité de ces levées du fait de l'arrachement des arbres par sapement en périodes de crues, arrachement qui s'accompagne d'une remise en suspension des sédiments.
La faible pente associée à l'abondance des eaux, leur charge particulaire et la rugosité de la végétation font de cet espace une zone où les chenaux ont un caractère anastomosé et où l'on peut noter des phénomènes de diffluence des cours d'eaux dans les zones de confluence avec la présence de deltas.
Au total, un secteur où la dynamique fluviale crée un milieu à caractère amphibie à évolution rapide.
Dans les Varzeas qui reçoivent essentiellement une charge dissoute, les eaux stagnent dans les cuvettes et s'y développent des prairies flottantes. Si le rythme des inondations marque le fonctionnement végétal des Varzeas, l'activité morpho-sédimentaire y est faible. Ces plaines inondables jouent un rôle régulateur du régime des cours d'eaux  par la présence des lacs et d'une nappe phréatique peu profonde.
En aval de Santarem, le fleuve, dans une vallée plus étroite, est influencé par la marée et un mascaret remont jusqu'au secteur Obidos/Santarem
L'embouchure de l'Amazone est constituée par l'Île de Marajo et un enchevêtrement d'îles. L'ensemble constitue un énorme delta à moitié immergé, reposant sur les formations sédimentaires de la fosse de Marajo.

La bibliographie relative à cet article